Sur la façade d’un mur situé entre las calles Laruel y Bretón de los Herreros, une grande peinture y figure et rend un hommage bien mérité à l’écrivaine et activiste María de la O Lejárraga, l’un des personnages les plus méconnus et les plus fascinants de La Rioja.
La fuente de los riojanos ilustres, populairement connue sous le nom de fontaine de « los espaldas mojadas » (le dos mouillé), rend hommage à huit personnages qui, au fil des siècles, ont joué un rôle important dans l’histoire de La Rioja.
Tous sont des hommes, ce qui signifie que l’une des femmes les plus célèbres de La Rioja du siècle dernier, et peut-être même la plus célèbre, ne figure pas parmi eux. Mais pour essuyer cette injustice, l’artiste Andrea Michaelsson, alias Btoy, a décidé d’en faire une peinture murale.
Depuis, et bien qu’elle n’ait toujours pas une statue à son effigie, le portrait de María de la O Lejárraga figure au croisement entre las calles Laurel y Bretón de los Herreros, situées en plein centre. Logroño a ainsi reconnu cette romancière, dramaturge, femme politique et militante des droits de la femme, née à San Millán de la Cogolla en 1874.
Si son nom n’est pas aussi familier, c’est avant tout en raison de la grande discrétion de son travail, et c’est également ce qui le rend aussi remarquable. María a signé la plupart de ses créations sous le pseudonyme de Gregorio Martínez Sierra, qui est à la fois son mari et son collaborateur. B
ien qu’il soit le fruit de l’imagination de María de la O Lejárraga, c’est à Martínez Sierra que l’on doit des pièces telles que Canción de cuna (1911), Don Juan de España (1921) et les scénarios de El sombrero de tres picos et El amor brujo, qui ont été joués sur scène avec des partitions de Manuel de Falla.
María les écrivait et Georgio recevait les félicitations. Rien de bien surprenant dans la société hypocrite et machiste de l’époque, si ce n’est que Lejárraga a toujours cassé les codes.
Élue députée en 1933, elle a toujours lutté contre les droits des femmes, une cause qui l’a amenée à faire partie des fondateurs du Lyceum Club de Madrid aux côtés de personnalités de la trempe de Clara Campoamor, Maria de Maeztu et Victoria Kent.
Et si María ne voulait pas signer la plupart de ses œuvres, ce n’était pas par obligation de son mari ou d’une quelconque coercition extérieure. Elle l’a fait par pure revanche.
L’indignation que la publication de sa première œuvre intitulée Cuentos breves (1899) a suscitée dans sa famille, la marquera à jamais. D’autres auraient réagi en abandonnant l’écriture, ou en écrivant jusqu’à l’épuisement, prouvant par leur talent qu’ils méritaient une place dans le monde littéraire.
Elle, non. Elle a juré que depuis ce jour, elle ne signerait plus aucun livre à son nom, une promesse qui l’a amenée à des situations aussi paradoxales que celle liée à la publication de l’un de ses plaidoyers féministes les plus combatifs, Carta a las mujeres de España (1930), signé par Gregorio Martínez Sierra.
Après la guerre civile, son engagement politique au sein du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) pendant les années de la République l’a poussée à s’exiler. Après la Suisse, la France et le Mexique, elle s’est installée aux États-Unis et y restera un moment.
Sa situation financière était critique, car les droits d’auteur des œuvres qu’elle n’a jamais signées étaient en possession de la fille que son compagnon avait eue avec l’actrice Catalina Bárcena.
Elle a donc décidé de se mettre à écrire seule et a produit une histoire intitulée Merlín y Viviana, qui raconte l’histoire d’un chien errant qui tombe amoureux d’une chatte plutôt charmeuse.
Elle a envoyé le scénario à Walt Disney qui a refusé, en lui disant qu’ils n’acceptaient uniquement ceux provenant de son studio. Cela s’est passé en 1951, et quatre ans plus tard, Disney sort La Belle et le Clochard, qui, selon Maria, « est la même histoire, sans autre changement que de transformer le chat en une chienne élégante ».
« Cette fois, je ne voulais pas me révolter, à quoi bon ? », a-t-elle déclaré. Elle était seule, sans argent et inconnue du grand public, et son dernier grand espoir était en train de s’envoler, sans qu’elle puisse y faire quoi que ce soit. La saluer lors de son passage devant la fresque que Logroño lui dédie est un acte de justice historique, parmi les nombreux qui restent à faire.
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